Comment renforcer l’éducation civique dans les cantons

 

Rares sont ceux qui contestent l’importance de la formation politique dans un pays comme la Suisse, où les possibilités de participation à la vie politique sont si nombreuses. Pourtant relativement mal établie dans l’enseignement, l’éducation civique va prendre une autre dimension dans les cantons d’Argovie et du Tessin, qui vont en faire une matière à part entière. Il existe toutefois également d’autres possibilités pour renforcer la formation politique. Le présent article donne des exemples concrets permettant de l’améliorer dans les cantons, ces derniers exerçant l’essentiel des compétences en matière de politique de formation.
 

Jonas Hirschi et Maurus Blumenthal, novembre 2018

Quelle est la meilleure manière d’améliorer le système politique suisse ? L’institut de recherche gfs.bern a étudié cette question en 2014. Les conclusions ont été claires : aussi bien les spécialistes que la population ont indiqué que renforcer l’éducation civique serait le meilleur moyen d’y parvenir. Le Moniteur politique easyvote le confirme également, puisque 65 % des jeunes indiquent que l’éducation civique est pour eux plutôt ou très importante à l’école. Chez les politicien-ne-s également, rares sont ceux qui contestent le fait que l’éducation civique devrait être davantage encouragée.

Lors de la Soirée Politique organisée par la FSPJ sur ce sujet, les représentant-e-s des jeunesses de partis de tout l’échiquier politique ont montré qu’ils étaient en faveur de la promotion de l’éducation civique. Les exemples concrets qui attestent de son amélioration sont pourtant rares. Le rapport « L’éducation à la citoyenneté en Suisse – une vue d’ensemble », publié il y a peu par le Conseil fédéral, aboutit cependant à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de renforcer l’éducation civique. Ce thème est pendant longtemps resté au point mort dans les cantons, jusqu’à ce que l’Argovie et le Tessin fassent bouger les choses l’année passée.
 

La politique : une nouvelle matière scolaire

À l’automne 2017, la population du canton du Tessin a plébiscité à 63 % un projet de loi visant à introduire l’éducation civique comme une véritable matière scolaire à raison de deux heures par mois au degré secondaire supérieur. Le texte de loi a ainsi permis de mettre en œuvre une initiative populaire datant de 2013.

Dans le canton d’Argovie également, une initiative populaire a beaucoup apporté. En janvier 2010 déjà, les jeunes libéraux-radicaux du canton ont déposé une initiative en faveur de l’éducation civique. Les initiant-e-s étaient toutefois prêts à attendre pour organiser la votation, étant donné que le Lehrplan 21 devait par la suite être discuté et introduit. Plus de huit ans plus tard, l’effort a été récompensé : en juillet 2018, le Conseil d’État a décidé d’introduire dès la rentrée scolaire 2020-2021 la matière « Politische Bildung » (éducation civique) en troisième année de degré secondaire I à raison d’une leçon par semaine. Le canton d’Argovie devient ainsi le premier canton alémanique à avoir une matière scolaire pour l’éducation civique.

Le canton de Bâle-Ville pourrait suivre cet exemple, une initiative lancée par les jeunes libéraux-radiaux ayant également abouti. En Suisse romande, les cantons de Fribourg, Genève et Neuchâtel offrent déjà des cours d’éducation civique à l’école.
 

Marge de manœuvre laissée par le plan d’étude

Bien que la majorité des plans d’étude cantonaux indiquent de manière explicite que l’éducation civique représente un de leurs objectifs principaux, dans les faits, l’intégration d’éléments politiques dans des matières principales telles que l’histoire ou dans des cours de culture générale diffère considérablement d’un canton à l’autre. Actuellement en vigueur en Suisse alémanique, le Lehrplan 21 définit certains objectifs d’apprentissage dans le domaine de l’éducation civique. Ainsi, la politique, la démocratie et les droits de l’homme doivent être enseignés dans différentes matières en tant que thème interdisciplinaire. L’avenir nous dira si cette démarche porte ses fruits. Les cantons et les écoles ont de multiples manières de concrètement intégrer l’éducation civique à leur plan d’étude cantonal et à leur programme scolaire. Cette marge de manœuvre permet ainsi aux cantons et aux écoles de renforcer la formation politique des jeunes.
 

Renforcer les compétences des enseignant-e-s

L’éducation civique donnée en cours dépend essentiellement de la manière dont elle est donnée par l’enseignant-e. Il est ainsi possible d’améliorer la formation politique en renforçant les compétences des enseignant-e-s, c’est-à-dire en leur proposant des formations initiales et continues ainsi qu’en mettant à leur disposition du matériel de cours. Il convient toutefois de veiller à rester neutre du point de vue politique. Les enseignant-e-s doivent faire particulièrement attention à utiliser des méthodes d’enseignement neutres et à baser leurs cours sur des éléments qui n’ont pas de parti pris. Il est possible que cette difficulté ait entraîné une diminution de l’éducation civique en cours, les enseignant-e-s ne voulant pas se risquer à lancer le débat sur la neutralité politique. La FSPJ met du matériel de cours neutre du point de vue politique à disposition des enseignant-e-s intéressé-e-s par le biais d’engage.ch au secondaire I et d’easyvote-school au secondaire II.
 

La politique comme projet

Outre lors des cours classiques, il est également possible de renforcer la formation politique durant des semaines ou des journées à thème, ou à l’occasion de projets, en organisant par exemple des tables rondes, des semaines axées sur la politique ou la visite d’un parlement. Il convient toutefois de veiller à répondre aux besoins des écolier-ère-s. Les enseignant-e-s et les directeur-trice-s d’école peuvent mettre ces mesures en place de manière indépendante, car elles ne nécessitent généralement pas d’accord de la part des instances politiques. Il existe actuellement déjà un grand nombre d’offres et d’organisations qui aident les écoles et les enseignant-e-s à mener des projets dans le domaine de l’éducation civique.
 

Soutien financier

L’augmentation des ressources financières octroyées à l’éducation civique permettrait également d’améliorer celle-ci. Même si la Confédération dispose de moins de compétences quant à l’éducation civique, c’est elle qui en est responsable au niveau de la formation professionnelle. Elle pourrait par exemple renforcer l’éducation civique par le biais du plan d’étude et, ainsi, influencer la qualité et la durée de son enseignement. Une initiative parlementaire indépendante de tout parti a d’ailleurs déjà été déposée au Conseil national.

Conformément à la loi sur la formation professionnelle, la Confédération peut contribuer aux frais pour la formation professionnelle, notamment par le biais de contributions à des prestations d’intérêt public. L’initiative parlementaire lancée par Nadine Masshardt demande désormais à ce que les mesures visant à promouvoir l’éducation à la citoyenneté soient aussi définies comme des prestations d’intérêt public. Cela permettra à des écoles professionnelles d’également bénéficier de financements pour des journées à thème, par exemple, qui augmentent l’attrait d’une éducation civique pratique.
 

La politique éducative et le fédéralisme

Il existe de nombreuses manières d’influencer et de renforcer la formation politique. Lancer une initiative ou organiser une semaine de projet sur l’éducation civique par exemple : les possibilités ne manquent pas. Il serait utile d’analyser les différents moyens tendant à renforcer l’éducation civique à l’école, car ils fourniraient une base solide sur laquelle se reposer pour apporter des changements politiques à l’avenir.

Il ne faut toutefois pas oublier le fédéralisme, qui complique passablement la répartition des compétences et responsabilités dans le domaine de la politique de formation. Il convient également de veiller à ce que les différences systématiques selon le type d’école (gymnases, écoles de culture générale, écoles professionnelles donnant ou non droit à une maturité professionnelle) et la région linguistique (Suisse alémanique, Suisse romande, Suisse italienne) restent.

Comme nous l’avons noté précédemment, la politique de formation est avant tout du ressort des cantons. Par conséquent, ce sont également eux qui recèlent le plus grand potentiel pour renforcer la politique de formation. Le tableau donne un aperçu de la répartition des compétences à chacun des échelons fédéraux en fonction du niveau scolaire.