Gravir l’échelle de la participation

Qu’ils aient été mis en place par des jeunes en tant qu’organisation de droit privé ou instauré en tant que commission extraparlementaire de droit public, les parlements des jeunes partagent tous un même but : faire passer les idées des jeunes dans les processus politiques officiels. Les manières de concrétiser cet objectif sont nombreuses et chaque PJ a sa propre gamme d’instruments. Les jeunes peuvent par exemple disposer d’un budget à allouer à des projets de jeunes, de moyens formels de s’exprimer auprès des organes exécutifs et législatifs, de siège dans des commissions extraparlementaires ou d’échanges informels avec les politicien-ne-s.

 

Mathias Ortega, juin 2021

Bien que les politicien-ne-s soient intéressé-e-s par la prise en considération des opinions de la jeunesse (qui est après tout membre à part entière de la vie de la cité, au même titre que les adultes), une participation effective n’est pas toujours garantie. En reprenant l’échelle de la participation de Hart et en particulier la version revisité par Frédéric Cerchia, délégué cantonal enfance et jeunesse au canton de Vaud et Pierre Corajoud, anciennement promoteur de projet-jeunesse à jaiunprojet.ch, on voit que plusieurs cas de figures peuvent ressembler à une participation effective mais être en réalité peu satisfaisantes. 

Le cas de l’absence peut arriver lorsqu’une politique publique gagnerait à ce que les jeunes soient consulté-e-s mais que les décideur-euse-s n’aient pas le « réflexe jeune ». Des projets culturels, d’aménagement ou de cohésion sociale concernant entièrement ou en partie les jeunes peuvent être mis en place sans que ces dernier-ère-s ne soient invité-e-s à la table de discussion. Ce qui peut être pire qu’une absence est la présence « alibi » des jeunes : on les invite mais sans leur faire une réelle place. Dans des cas malheureux, on peut observer une instrumentalisation qui a pour simple but de pouvoir apposer le stample « approuvé par les jeunes » sur un projet. De telles mesures ne sont pas bénéfiques et risquent de décourager les jeunes de s’investir dans le futur. Parfois ils et elles sont informé-e-s de l’existence d’un projet au moment de de sa concrétisation mais les décisions ont déjà été prises et leurs avis ne peuvent être pris en considération. Dans ces trois premiers échelons, les décideur-euse-s politiques se privent de points de vue précieux et peuvent passer à côté de certaines réalités locales et générationnelles.
 

L’inclusion des jeunes demande des efforts

Les quatrième et cinquième échelons sont les plus intéressants lorsqu’il s’agit d’inclure des jeunes dans les processus politiques et dans la mise en place de projets d’utilité publique. Pour y arriver des effort sont nécessaires, tant du côté des parlements des jeunes que des membres des autorités politiques. Il est tout d’abord nécessaire d’inclure les jeunes dès que possible dans les réflexions. Pour éviter une participation alibi, il est crucial que les jeunes soient équipé-e-s convenablement pour comprendre les processus politiques et qu’un travail de vulgarisation soit fait. La présence d’un-e jeune dans la commission de l’urbanisme de sa commune est-elle pertinente, si les discussions portent sur des plans d’affectations en discussion depuis des années, avec des termes techniques incompréhensibles pour qui n’est pas urbaniste ou architecte ? pas vraiment. Peut-on en déduire que cette jeune personne n’a pas sa place dans une telle commission ? non plus. La participation des jeunes, comme celle de toute personne externe ne parlant pas le « langage » d’un corps de métier, n’est pas simple et demande de faire davantage que de rajouter une chaise autour de la table. Une séance préalable avec un-e membre du service en question, un lexique des termes techniques ou un accompagnement au cours de la séance sont des pistes à creuser dans de tels cas de figure. Du côté des autorités politiques, un effort, et non des moindre, est également requis : laisser des idées bien installées être challengées et accepter de modifier des fonctionnements pouvant être perçus comme gravés dans le marbre. Les opinions de la jeunesse ne vont pas nécessairement dans le sens où les décideur-euse-s souhaiteraient qu’elles se dirigent et peuvent entrer en conflit avec leurs agendas politiques. Même lorsqu’il s’agit de politicien-ne-s soutenant le Parlement des Jeunes, il est possible que des frictions se fassent sentir. Pourtant, sans une marge de manœuvre suffisante, la participation n’est pas possible.
 

Des personnes-clés pour la participation des jeunes

La présence d’une personne à l’écoute des jeunes est un grand atout pour assurer une participation efficace d’un parlement des jeunes. Un-e travailleur-euse-s social-e ou un-e délégué-e jeunesse (ou n’importe quel poste équivalent) est le plus souvent d’une grande aide. De telles personnes sont au fait des fonctionnements politiques et administratives et peuvent les vulgariser auprès des jeunes. De plus, ils et elles sont conscient-e-s des réalités des jeunes et peuvent aider les politicien-ne-s à comprendre leur temporalité, leurs envies et la manière de les inclure efficacement aux discussions. La Fédération Suisse des Parlements des Jeunes FSPJ n’est pas en reste, et peut également occuper cet espace médian entre jeunes et politicien-ne-s ! De plus, la FSPJ peut apporter son soutien afin d’évaluer l’état de la participation des jeunes et proposer des mesures adéquates.   

En résumé, la meilleure manière de gravir l’échelle de la participation est d’équiper les PJ à comprendre le contexte politique et administratifs, faire des efforts du côté des politicien-ne-s pour se laisser challenger et bénéficier de la présence d’une personne pouvant faire le juste milieu entre ces deux groupes que tout semble parfois opposer.


Sources

Graphique: Echelle de la participation des jeunes et jeunes adultes, revisitée en 2011 par Frédéric Cerchia et Pierre Corajoud